quinta-feira, março 05, 2009

L'inquiétante mort du président Vieira

Origem do documento: www.africatime.com, 05 Mar 2009
(Courrier International 05/03/2009)


Pour expliquer les violences de ces dernières heures, qui ont coûté la vie au président de la République et au chef d'état-major des forces armées de Guinée-Bissau, les thèses s'affrontent : la main gambienne ou celle des narcotrafiquants ? Une question qui inquiète le Sénégal.

Quand, aux environs de 16 heures ce lundi, une intense crépitation se fait entendre à Bissau, au siège de l'état-major, où se trouvent le général Batisto Tagmé Na Wai et ses hommes, tout le monde croit d'abord à une explosion accidentelle. En réalité, c'est la première salve de l'attaque lancée par des soldats loyalistes non identifiés contre le fougueux général qui, naguère, rendit de grands services au Sénégal dans la lutte contre la rébellion casamançaise. Très vite, Tagmé Na Wai se rend compte que c'est lui la cible principale de ce raid contre son quartier général. La surprise passée, la résistance s'organise dans l'urgence.

L'accalmie est brève, de violents échanges de coups de feu entre les assaillants légalistes favorables au régime du président João Bernardo Nino Vieira et les forces du chef d'état-major de l'armée bissau-guinéenne présentes au QG se font entendre. Après plus d'une heure d'affrontements à l'arme lourde, Tagmé Na Wai et cinq de ses hommes sont tués. Une bombe dissimulée "sous un escalier conduisant à son bureau" aurait eu raison du général.

Tenu informé de l'évolution de la situation, l'encore président Nino Vieira renforce subrepticement sa sécurité de manière drastique. La garde présidentielle, forte d'environ un demi-millier d'hommes bien entraînés, est sur le qui-vive, surtout depuis la mutinerie manquée de novembre 2008. La confusion est à peu près totale dans la capitale. Une situation qui va empirer avec l'attaque contre la résidence présidentielle menée par des fidèles de Na Wai. Il était environ 22 h 45. Dans l'âpreté des combats, le président en exercice de la Guinée-Bissau perd la vie à son tour.

Sur les ramifications concernant cette quasi-guerre civile, des sources généralement bien informées pointent du doigt la Gambie. Il se dit que ce sont les mutins qui n'ont pu prendre le pouvoir en novembre de l'année dernière – réfugiés depuis dans le pays de Yaya Jammeh – qui sont revenus ce week-end pour "finir le travail". Néanmoins, il semble également plausible que cet accès de violence soit la traduction armée de considérations liées au très juteux trafic de drogue, secteur dont les revenus financiers seraient supérieurs au PIB de ce petit pays situé au sud de la Casamance.

Le Sénégal est donc immédiatement interpellé par la situation. Le président Abdoulaye Wade a déjà donné l'ordre à l'armée de renforcer ses troupes à la frontière, en bouclant tous les accès possibles au territoire national. En attendant de voir quelle attitude adopter. Selon nos informations, une "peur" que d'aucuns assimileraient à une forte "préoccupation" plus que légitime n'épargne pas le palais présidentiel. Là où, pourtant, un officiel sénégalais s'exprimant sous le couvert de l'anonymat a indiqué que "le Sénégal [devait] pouvoir prendre position sur un conflit (bissau-guinéen) de ce genre, où ses intérêts sécuritaires sont directement en jeu". En termes moins diplomatiques, un soutien affiché à une équipe crédible qui serait en passe de prendre le pouvoir.

Mais, à Bissau, la situation tend à se normaliser. Les militaires loyalistes, qui n'avaient pas écarté de revenir au pouvoir en profitant de la confusion, ont vite reculé. Selon nos informations, ils ont choisi de laisser le Premier ministre, Carlos Gomes Júnior, régler les affaires courantes en attendant l'installation du président de l'Assemblée nationale, appelé à gérer la transition politique.

Vieira et Na Wai partis, ce sont deux des plus sûrs alliés du Sénégal, dans un pays à problèmes, qui disparaissent d'un coup. La disparition violente et brutale des deux généraux ennemis est un coup dur pour la stratégie sénégalaise de lutte contre l'irrédentisme casamançais et contre la toute-puissance des cartels qui tiennent le commerce de la drogue. Nino Vieira et Tagmé Na Wai ont toujours apporté leur soutien à l'armée sénégalaise contre les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Pour l'Etat sénégalais, où trouver de tels appuis maintenant ?

Maillon ultrafaible de la lutte contre le narcotrafic qui sévit dans cette zone sous-régionale troublée, la Guinée-Bissau est devenue indispensable au pôle colombien de Medellín, dont un des représentants est actuellement détenu à Dakar après le démantèlement d'un réseau de trafiquants à Mbour. D'après nos informations, il existe une stratégie globale visant à faire des zones côtières africaines une base pour le narcotrafic. La récente attaque manquée contre le palais présidentiel de Malabo, en Guinée-Equatoriale, et la recrudescence de pratiques mafieuses dans la péninsule de Bakassi (territoire camerounais rétrocédé par le Nigeria) témoigneraient de cette obsession.


Momar Dieng
Le Quotidien
© Copyright Courrier International



<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?