sexta-feira, março 06, 2009

A Bissau, l'armée contrôle l'enquête sur le meurtre du président Vieira

Origem do documento: www.africatime.com, 06 Mar 2009
(Le Monde 06/03/2009)


Avant d'être assassiné dans la petite maison de plain-pied qu'il occupait à Bissau, le président Joao Bernardo "Nino" Vieira avait benoîtement garé son véhicule blindé noir le long du trottoir. Les rafales de Kalachnikov ont crevé les pneus et étoilé les vitres sans les percer.

Personne dans l'entourage présidentiel n'a eu le temps de profiter de la protection du véhicule quand les assaillants sont arrivés, lundi matin 2 mars, mettant en fuite les gardes postés à l'extérieur de la modeste demeure du quartier populaire de Chao de Papel, avant de pénétrer à l'intérieur et d'y supplicier le chef de l'Etat.

Ce groupe de soldats venait venger la mort du chef d'état-major de l'armée bissau-guinéenne, le général Batista Tagmé Na Waié. Environ quatre heures plus tôt, une forte explosion avait pulvérisé une aile du bureau de ce dernier. Les décombres, répandus sur une bonne dizaine de mètres, disent la violence de l'explosion, qui s'est produite vingt minutes après l'arrivée du général, attiré par un coup de fil l'avertissant de mouvements de soldats suspects dans la capitale.

A Bissau, l'ambiance était électrique. Entre le chef de l'Etat et le général Na Waié, qui avaient déjà tous deux échappé à une tentative d'assassinat au cours des derniers mois, la haine était manifeste.

"IL FALLAIT LE TORTURER POUR LE FAIRE PARLER"

Règlements de comptes au sommet de l'Etat

1er mars En fin de journée, le chef d'état-major des forces armées, le général Tagmé Na Waié, est tué dans un attentat à l'explosif au quartier général de l'armée. Son prédécesseur avait subi un sort identique en 2004.

2 mars Putschiste revenu au pouvoir par les urnes en 2005, le président Vieira est assassiné à son domicile par des militaires qui le tiennent pour responsable du meurtre du chef d'état-major.

3 mars La Constitution est respectée: le président de l'Assemblée nationale, Raimundo Pereira, devient chef de l'Etat par intérim après avoir prêté serment devant les députés. L'élection présidentielle est prévue dans les 60 jours.

Jeudi matin 5 mars, alors que la ville a repris sa vie modeste, la scène du massacre de son président est demeurée intacte. Sur une table est posée une assiette de petits fours à moitié consommés. Dans le fouillis du salon, où a eu lieu un semblant de pillage, les verres à pied sont toujours dans les vitrines, les œuvres d'art accrochées aux murs. Mais les rafales d'arme automatique ont fait sauter le carrelage, à l'endroit où le chef de l'Etat a été achevé. Le sang a giclé sur les murs. Il a aussi maculé le sol en longues traînées, où "Nino" Vieira semble s'être traîné.

Une machette ensanglantée confirme ce que chuchote un militaire : "Il fallait le torturer pour le faire parler et savoir : qui a tué Na Waié ?" Dans une chambre, à l'arrière, un coffre-fort forcé, une nouvelle machette ensanglantée. C'est là qu'a été tué le garde du corps du président. Dans une salle de bains voisine, son conseiller pour la presse, blessé, s'est dissimulé, et a eu la vie sauve, tout comme les autres personnes présentes, dont sa femme. Les attaquants en voulaient seulement au président Vieira, suspecté par ses assassins d'avoir commandité l'attentat qui venait d'emporter le chef d'état-major.

Les deux hommes se détestaient, au moins depuis que, en 1986, à la suite d'une tentative de coup d'Etat lors de sa première période au pouvoir (1980-1999), "Nino" Vieira avait fait arrêter et torturer son ex-compagnon d'armes du maquis. Il incarnait à ses yeux la menace du groupe ethnique majoritaire des Balante, très puissant au sein de l'armée.

"Nino" Vieira venait de rentrer de l'hôpital du Val-de-Grâce, à Paris, où il était soigné, quand il a été tué. Ses meurtriers semblaient être persuadés qu'il avait monté l'attentat contre son chef d'état-major. Mais était-ce la vérité ? Alors que les autorités de transition ont promis des élections dans un délai de soixante jours, les responsables politiques ou militaires susceptibles d'avoir trempé dans la mort du général Na Waié ne manquent pas, avec en toile de fond l'implication éventuelle de réseaux de trafiquants sud-américains de cocaïne associés à des responsables bissau-guinéens pour débarquer leur cargaison dans ce petit pays, où est perceptible la faiblesse de l'Etat.

L'équipe chargée de l'enquête, à la tête de laquelle se trouve le procureur général de la République, Luis Manuel Cabral, a peu de chances de faire des révélations avant longtemps. Une structure militaire double officieusement ses travaux avec, à sa tête, le capitaine de vaisseau Zamora Induta, un Balante proche de l'ex-chef d'état-major qui avait, dans les premières heures suivant l'attentat, accusé "Nino" Vieira d'en être le responsable.

Que faire à présent des deux encombrants cadavres ? Après avoir envisagé des obsèques simultanées, les autorités de transition y ont renoncé de peur de déclencher de nouvelles violences. Aucun d'entre eux ne sera inhumé dans la forteresse d'Amura, où reposent les héros de la guerre de libération. Là, devant le mémorial d'Amilcar Cabral, le père de la nation, sont disposées des couronnes de fleurs défraîchies. L'une avait été déposée par "Nino" Vieira quelques semaines plus tôt.

Jean-Philippe Rémy

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